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Des Parisiennes dans la cuisine
25 décembre 2011

J'étais seule à Noël avec tous mes amis

Je peux raconter ce que je veux, la table décorée, nappe et ornements de Noël, le sapin qui clignote, les parfums exhalés, les fumets, les arômes, les cadeaux à minuit, fabuleux, énormes, luxueux.

Je peux dire la vérité.

Je peux aussi me contenter du simple récit, avec recettes, de la soirée.

Je choisis la dernière option.

Hier matin au bien nommé marché des Lices j'ai fait les courses pour moi. Je n'ai pas acheté d'huîtres, je n'ai pas acheté d'araignée, ni de langouste, de homard, ou  de ces poissons dits nobles parce qu'ils sont chers, pas de foie gras, pas de chapon, tout ça était aux prix réveillons. J'attendrai sans regret deux semaines pour retrouver leurs prix des autres jours.

J'étais seule à la maison hier soir, j'ai composé librement mon dîner:

- Saumon fumé sur pain dit pain Bûcheron, levain et céréales, toasté et citronné. Le citron sur le saumon s'échappe et goutte sur la table ou dans l'assiette.

C'était du saumon, bientôt de contrebande parce qu'il est si bon et traditionnel et moins cher que ce qu'on trouve sous blister, peu salé, fumé et tranché soigneusement par un producteur, vendu par un circuit parallèle. Very mysterious, isn't it? But so good, and fine: the very salmon. C'est chouette un peu d'anglais, non ? ça fait raffiné je trouve.

- Endives effilochées braisées:

Faire fondre dans une poêle du beurre cru (acheté aux Halles) avec un peu d'huile neutre.

Quand le mélange mousse, jeter les endives coupées grossièrement en tranches longues.

Saler au sel gris de Guérande, il y en a aussi au marché, vendu par des producteurs, Couvrir et laisser cuire à l'étouffée le temps qu'il faut. Ah! Une difficulté, décider  seul combien de temps...

Au bout d'un moment (exactement, précisément le temps qu'il faut au fût du canon pour refroidir), découvrir et laisser réduire le jus à sa convenance, pour moi, pas trop.

Quand les endives sont translucides mais encore al dente, ajouter du jus de citron frais, remuer.

Quand le jus est absorbé, ajouter une à trois cuillères de crème fraîche épaisse, grasse, au lait cru, (même provenace que le beurre) mélanger, couvrir.

Laisser compoter. J'aime bien dire ça, ça fait pro, en fait, attendre quelques minutes que les goûts se mélangent puis éteindre.

Servir dans une assiette creuse si comme moi, vous avez choisi d'avoir un jus long, sinon, dans une assiette plate ça va très bien.

Moi, j'ai pilé au mortier du poivre long de chez Roellinger que j'ai saupoudré juste avant de manger, à la cuiller à soupe et à la fourchette mon plat d'endives. (Oui, une fois j'écris cuiller et une autre fois cuillère, car l'un ou l'autre se dit ou se disent)

Parfois je mets de la coriandre fraîche, ou bien du piment d'Espelette, ou, à la dernière minute, une épice qui m'inspire.

Mais, attention à l'amertume, que je maintiens parce que je l'aime beaucoup, associée au citron, à la crème et au poivre. Toutes les épices ne lui conviennent pas.

Puis j'ai mangé une tartine grillée sur laquelle j'ai posé trois tranches pas fines de Vacherin de Mont d'Or, au lait cru, non pasteurisé, coulant, moelleux. Simple et bon.

La tartine grillée, c'est la même que j'ai appelé toast tout à l'heure, du Bûcheron tranché à la machine de la boulangerie. Mais on ne mange pas de saumon sur une tartine, il lui faut un toast et le vacherin, c'est plus généreux en tartine.

Vous vous souvenez de la Mère Tartine, une vieille en noir et blanc avec un chignon de danseuse sur sa tête ronde comme la petite boule sur la grosse boule de la religieuse au café ou au chocolat?

Pour le pain, tranchage gratuit, n'acceptez pas de payer pour ça sinon, nous paierons bientôt le droit d'entrer dans la boulangerie. On appellera ça le pas de porte. Porte si on paye le droit d'entrée, sinon, pas de porte, et il y aura des gens pour payer sans rien dire...

En dessert, flan  Alsa pour lequel j'affiche une raison qui ne tient pas la route: le flan industriel contient beaucoup moins d'oeufs donc de calories que celui qu'on fait soi-même.

Autre raison qui tient peut-être: je n'ai pas de four en ce moment.

La vraie raison est qu'il me rappelle les crèmes Franco-Russe à la vanille de mon enfance.

Et une compote maison:

Ayez trois ou quatre variétés de pommes achetées au marché des Lices ou ailleurs, mais aux Lices je les achète à 75 centimes le kilo, idéales pour la compote.

Epluchez-les, enlevez bien les morceaux durs qui enveloppent les pépins et qui sont désagréables en bouche, et parfois ils se coincent entre les dents et ça fait mal.

Coupez-les grossièrement (décidément) dans une casserole avec un peu d'eau.

Attention, il est très important que les morceaux soient coupés gros et irréguliers.

Saupoudrez de sucre, ou pas, à votre goût.

Choisissez un parfum, ou pas de parfum, pour la cuisson, moi je mets un demi bâton de vanille coupé en deux, grains grattés à la pointe du couteau, ou de la badiane avec parfois une ou deux feuilles de laurier, et parfois pas.

Je ne veux plus de cannelle dans les pommes, on en trouve partout, mais en association avec un peu de muscade ou girofle, j'aime bien, ou alors de cette cannelle indienne qui est une écorce épaisse de l'arbre à canelle et que je trouve plus complexe en goût.

Une amie met du poivre long dans ses desserts aux fruits, moi j'en mettrais aussi, pas dans la cuisson mais cru en finition, pilé pas fin.

Faites cuire à feu vif, rapidement, c'est important.

Eteindre quand les morceaux sont assez mous pour se fondre dans l'ensemble mais que leur forme se dessine encore. Ils finiront de mollir dans le saladier que vous laisserez refroidir avant de le mettre au réfrigérateur.

Le François de ma Déborah la préfère tiède et sans Badiane. On peut la réchauffer facilement pour les amateurs comme lui, moi je l'aime très froide.

Je remarque en l'écrivant que la constante de ce dîner aura été le coupé  pas trop fin, tranché grossièrement, coupé épais. et surtout irrégulier. C'est très important et pour la cuisson et pour le goût, dans un sens, épais, comme dans l'autre, fin.

J'aime l'irrégulier, l'asymétrique, le parallèle, la contrebande.

Je préfère le fertile au stérilisé, l'âcre au lisse et le trop riche au juste.

Et Sarah, l'autre soeur du blog, qu'en dira-t-elle ?                      

Je crois qu'elle est, au contraire de moi, dans la mesure et la justesse parce qu'elle est une vraie cuisinière qui fait à manger pour trois cents tous les jours, avec un CAP et l'exercice régulier de son métier, et que comme Manu qui faisait et refait la cuisine dans son restaurant à Lardiers, elle sait qu'il est important d'offrir à ses clients le même goût d'un plat qu'ils reviennent chercher parce qu'ils l'aiment.

Avec mon dîner de Noël je n'ai pas bu de vin, je n'ai pas grand plaisir à boire seule mais si j'avais eu un Yquem, même un tout petit cru si ça existe, je l'aurais bu. Je sais qu'il aurait été le digne compagnon des goûts de mon dîner, amertume des endives, acidité légère du citron, onctuosité de la crème, contrepoint du poivre fais.

Et ce vacherin coulant, crémeux, aurait exalté les accents de paille fraîche et plus lointainement de champignons en sous bois qui sont encore dans ma mémoire depuis trop longtemps quand j'en bus à mon anniversaire une bouteille offerte par Norbert à Forcalquier, c'était chez Jean-Yves, grand gastronome et connaisseur avisé des vins et goûts et histoire et culture de sa Provence.

Phrase longue mais pas aussi longue que le goût en bouche et en souvenir de ce vin-là.

Et sur la compote, en écho des arômes acides sucrés du mélange boskop, reinette grise, golden, granny et deux autres dont j'ai oublié le nom, il aurait été parfait aussi.

Mais je n'en avais pas, sauf en mémoire et avec lui mes amis, Norbert, Michtot, Jean-Yves, Manu, Fred et Evange, l'Anne d'autrefois, Gérard, Isabelle, Joëlle, Mireille, avec qui j'ai partagé ce repas de Noël, de loin et du plus près qu'il est possible, dans l'intimité de l'amitié et de l'amour toujours là, enracinés dans la tête et le coeur, ancrés, spécialement  dans l'estomac par où passent toutes les cultures, tous les amours, tout ce qui vient du plus loin de nostre mémoire instinctive, le goût des choses qui reste tapi dans le corps. Définitivement.

J'étais seule à Noël avec tous mes amis.


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